(Montréal) Nous voici maintenant au Centre Bell. L’enclos musical de Diane Bibaud, en quelque sorte, est situé au point le plus éloigné de l’entrée de la passerelle, soit au-dessus du filet que l’équipe visiteuse défend en première période.

Publié le 27 décembre

Les portes s’ouvrent pour les partisans 90 minutes avant le début des matchs. Vers 17 h, les premiers journalistes déjà perchés ont donc l’habitude de la voir arriver, chandail rouge du Canadien sur le dos, pour s’installer.

Elle y est revenue en 2011, à la demande de Geoff Molson, qui avait acheté le CH deux ans plus tôt. C’est son troisième mandat au clavier, après cinq ans au Forum (1987-1992) et cinq ans dans un Centre Molson flambant neuf (1997-2002). « J’avais une larme à l’œil quand j’ai réglé ma console en revenant. Mais je n’ai jamais chialé contre le Canadien. Mon cœur a saigné, c’était comme une séparation. C’est normal qu’ils essaient des choses, ils ont beaucoup de fans de moins de 40 ans. Mais il reste encore bien du monde de 40 ans et plus et ils ont de l’argent ! Avec le DJ et moi, ça comble le tout. »

Entre l’ouverture des portes et l’échauffement sur musique assourdissante, il y a une heure à combler. Les chansons de Noël reviennent forcément en décembre, comme Last Christmas, le classique de Wham !, ce soir-là.

L’adversaire lui inspire souvent des chansons. Et grâce à une phénoménale oreille musicale, il lui arrive d’accepter les demandes spéciales des journalistes, comme la fois où on lui a demandé Le Douanier Rousseau, une boutade en l’honneur de la visite du gardien Ville Husso. Elle ne connaissait pas le tube de La Compagnie créole par cœur, en a écouté quelques notes sur son téléphone, et l’a exécuté à la perfection. « Je ne sais pas comment l’expliquer. Pour moi, c’est comme la grammaire de français. »

Les hymnes nationaux sont un moment fort. Gideon Zelermyer est le chanteur invité en ce lundi. Elle joue ses premières notes, puis ferme les yeux et tend l’oreille. « Il faut que je l’entende respirer », explique-t-elle.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Diane Bibaud avec le chanteur de l’hymne national, Gideon Zelermyer

Chaque chanteur a sa tonalité, ses besoins particuliers ; elle les note dans un cahier. Et Ginette ?

Elle n’est pas capable d’être accompagnée parce qu’elle a des problèmes cochléaires. De toute façon, elle n’a pas d’affaire à suivre, c’est à moi de la suivre ! Elle était tellement nerveuse, elle n’est pas du monde pour chanter l’hymne national. Mais ce n’est pas une critique. Moi, je ne suis pas du monde tant que je n’ai pas fait ma première note !

L’organiste du Canadien, Diane Bibaud

Le match commence. Dès le premier arrêt de jeu, c’est le mythique thème de La Soirée du hockey.

Diane Bibaud au Centre Bell

« Je me revois à 8 ans. Tous les samedis, mes parents regardaient La Soirée du hockey. C’était le ta ta-ta ta-ta, comme je fais toujours. On commandait du poulet barbecue. J’écoutais Claudette Auchu, l’organiste dans le temps, et je disais à mes parents : un jour, je vais jouer là. »

Elle a ses habitudes pendant les matchs. Valderi, Valdera quand ça va bien pour l’équipe locale, comme ce soir-là après deux buts rapides du Canadien pour prendre l’avance 3-0. Des figures imposées aussi, par exemple un thème pour indiquer une pénalité à Montréal.

Le Tricolore tombe ensuite à plat, l’ambiance aussi, forcément. « J’essaie de jouer up tempo. Lâche pas la patate ou Ce n’est pas fini, ce n’est qu’un début. »

Montréal s’accroche à ce qui est maintenant une avance d’un but en troisième période. C’est le temps de Jump, le succès de Van Halen et son intro faite sur mesure pour la sonorité de son clavier. C’est le moment où la caméra installée spécialement pour Bibaud sert. Dans son oreillette, Paul Gallant, directeur de la production des matchs, la prévient : la caméra s’en vient. La voici à l’écran géant, saluant la foule. La réaction, comme toujours, est chaleureuse.

« C’est le fun. C’est pas une question de vedettariat. C’est juste le fun, la réaction que ça crée. »

 

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Dans le stationnement du Centre Bell, après le match, l’organiste du Canadien croise des dizaines de partisans.

Cette réaction se mesure aussi dans le stationnement du Centre Bell, après le match. Dans sa marche vers sa voiture, elle croise des dizaines de partisans. C’est l’heure des égoportraits. « Lâchez pas, vous êtes vraiment bonne », lance un amateur.

Ça ne faisait pas partie de ses trois rêves, mais Diane Bibaud est en train de devenir, bien malgré elle, une icône de la culture populaire.

 

 

 

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