DANS SON MAGASIN DE MUSIQUE
2023-12-28
Salut Guillaume,
Mille mercis pour la publication de notre interview. Les textes sont hyper sympathiques et les photos super belles. Vous avez des photographes très compétents et attentionnés. Merci également à La Presse de vous avoir autorisé à faire ce reportage.
Bonne Année,
Et à bientôt
Musicalement
Diane
Lien: https://www.lapresse.ca/sports/hockey/organiste-du-canadien/une-journee-avec-diane-bibaud/2023-12-27/dans-son-magasin-de-musique.php
Dans son magasin de musique
PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE
Diane Bibaud, l’organiste du Canadien de Montréal au Centre Bell, à son magasin de musique à Sainte-Catherine
(Sainte-Catherine) Un magasin de musique ou un musée de culture populaire ? La question se pose en entrant chez Dianorgues La Rock Shoppe.
Publié le 27 décembre
Les murs sont tapissés de photos et de souvenirs. Plus de place sur les murs ? Il y a toujours le plafond !
Chaque photo est une histoire. En voici une avec l’ancien premier ministre Bernard Landry. « Je leur avais loué un piano, le monsieur était parti et M. Landry m’avait demandé de continuer. J’ai joué des boogies puis tout ça sur le bord de l’eau à Verchères. »
On la reconnaît avec des anciens du Canadien. Larry Robinson. Bob Gainey. Jean Béliveau, évidemment. Un jeune Réjean Houle. « Ça vieillit, han ? On ne les reconnaît plus. J’avais une taille de guêpe dans le temps. Là, j’ai une taille de taon ! »
PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE
Les murs du magasin de musique de Diane Bibaud sont tapissés de souvenirs de ses nombreuses rencontres.
Et Toe Blake. « Il venait me voir en haut, je lui jouais Bye Bye Blackbird. C’était sa toune. Le magasin, c’est un paquet de souvenirs. »
Ici, une lettre des Flyers de Philadelphie la remerciant de son accueil au Forum en 1987. Là, un message envoyé par les Rangers de New York, qui l’ont reçue en 2014.
Derrière la caisse, la photo avec une Céline Dion d’il y a une trentaine d’années attire forcément l’attention. « Elle n’avait pas grand-chose à dire, mais elle a beaucoup de discipline. Elle était tellement concentrée. Regarde comment elle est malade aujourd’hui, c’est de valeur », regrette Bibaud.
Le collègue photographe Martin Tremblay immortalise le tout, avant de s’arrêter entre deux clichés. « Vous avez tellement fait de rencontres. »
PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE
Parmi ses rencontres, celle de Ginette Reno est la plus marquante : « Parce que je pense qu’elle me ressemble. On a le même tempérament. »
— C’est épouvantable !
— C’est quoi, la rencontre la plus marquante pour vous ?
Elle pousse un grand soupir, comme si elle était essoufflée de penser à toutes ces vedettes croisées en quatre décennies de carrière.
« Ginette Reno. Parce que je pense qu’elle me ressemble. On a le même tempérament. Je ne suis pas mauvaise, mais on a un tempérament vif, on dit ce qu’on a à dire. »
PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE
Diane Bibaud montre une photo d’elle plus jeune.
Plus jeune, Diane Bibaud caressait trois rêves : posséder son magasin de musique, épouser un technicien et jouer de la musique pour le Canadien. « Les trois sont arrivés ! »
Voici La Presse au magasin de musique en question, un lundi après-midi tranquille de lendemain de tempête. Diane Bibaud finit de servir un client, un infirmier aux soins intensifs. La conversation va bon train. « Merci d’être là. On a besoin de vous autres », lui lance-t-elle en guise de salutations.
C’est plus bref au téléphone. « Dianorgues La Rock Shoppe, bonjour. Yes sir, with pleasure. » Clac ! En 11 secondes tout juste, l’appel est terminé.
PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE
Les conversations téléphoniques avec Diane Bibaud sont souvent brèves : « Je réponds vite, je suis très expéditive », reconnaît-elle.
« Je réponds vite, je suis très expéditive. Des fois, je les mets à l’envers ! », reconnaît-elle.
Cette boutique, c’est son bébé, né en 1987 sur ce même terrain, mais dans des locaux pas mal plus exigus, photos à l’appui évidemment. « Ça avait l’air d’un Ponderosa ! Les gens disaient à mon mari : elle pense qu’elle va faire de l’argent avec ça, mais elle va faire faillite. »
À l’origine, c’était seulement Dianorgues. « J’ai ajouté La Rock Shoppe, parce que les orgues, ça ne se vend plus. Qu’est-ce que tu veux qu’on dise ? C’est mort. C’est comme les gros chars. »
PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE
L’enseigne de Dianorgues La Rock Shoppe, à Sainte-Catherine
Sa passion pour la musique ne date pas d’hier. Fillette turbulente, elle est envoyée au couvent par ses parents adoptifs à l’âge de 7 ans.
J’enfargeais les personnes, je mordais les sœurs, je faisais partir l’alarme… Mais au couvent, il y avait un piano. Quand je m’assoyais devant un piano, j’étais sage comme une image. J’ai fini par me faire sortir, mais la directrice a dit à mes parents : faites-lui apprendre la musique, vous allez lui rendre service. Et à la société aussi !
L’organiste du Canadien Diane Bibaud
La médecine l’intéressait aussi, et on comprend que ses parents auraient préféré qu’elle suive cette voie. « Sur son lit de mort, ma mère m’a dit : je sais que tu veux être musicienne. Fais-moi honneur et je vais te suivre, je vais toujours t’encourager. Fais une bonne fille de toi. »
Le jour de notre visite, le Canadien dispute un match à domicile. Même si une soirée de six heures l’attend au Centre Bell, la dame de 64 ans passe à la boutique.
Il faut dire qu’elle est bien installée. En rentrant à gauche, ses claviers sont configurés exactement comme au Centre Bell. C’est ici qu’elle s’exerce, car non, malgré l’expérience, elle ne passe pas ses soirées sur le pilote automatique.
PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE
Les claviers de la boutique de Diane Bibaud sont configurés exactement comme ceux du Centre Bell. Elle peut donc s’y exercer entre les matchs.
« Aujourd’hui, je ne suis pas du monde, je suis nerveuse. C’est vrai, c’est en dedans. Demande à Lise. » On se tourne vers la Lise en question, qui acquiesce. « C’est pas du monde ! »
« C’est le trac, je ne sais pas pourquoi. Et il arrive toujours des affaires de dernière minute. Ce n’est pas la faute du Canadien, ça arrive dans les grosses organisations. »
Lorsque vient le temps de filer, en milieu d’après-midi, elle le fait toutefois la tête en paix. Elle compte cinq professeurs dans son équipe, qui offrent des cours dans ses locaux. Parmi eux, Marc. « Il enseigne, il fait du studio, il fait du plancher. Et il m’endure ! »
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Dianorgues ne vend pas que des orgues. « J’ai ajouté La Rock Shoppe, parce que les orgues, ça ne se vend plus. »
C’est sans oublier Lise, justement, sa fidèle comparse, qui l’accompagne presque toujours au Centre Bell. « Lise fait toute la paperasse, les dépôts, les paies. Notre vie, c’est ça. On est comme les deux doigts de la main. Elle vit chez nous, on est ensemble 24 heures sur 24.
— Vous avez un lien de parenté ?
— Non. C’est un lien d’amitié très fort. On n’est pas un couple, et je n’ai rien contre ça ! Elle était seule, elle avait un condo, mon mari était parti et ma maison était payée. Je lui ai dit : viens-t’en rester chez nous. »
Le mari, plutôt l’ex-mari, car ils sont séparés depuis 1993, c’est Marc Bélanger, « le nom d’un chef d’orchestre », un grand mince qui revient sur quelques photos. « Ça, c’est en Italie. Il mesurait 6 pi 4. Je dis au monde que c’est pour ça que je suis pas tombée enceinte, il m’arrivait au nombril !
PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE
Plusieurs coupures de journaux sont affichées dans le magasin.
« Je n’ai pas honte d’en parler. C’était un gars extraordinaire. Mais il était bipolaire. Il a été interné quatre mois, n’a jamais été violent. Ce n’est pas compliqué, c’est une carence de sérotonine. Il faut que ce soit diagnostiqué et médicamenté.
« Je l’appelle chaque année à sa fête. C’est la déception de ma vie. Je vais toujours l’aimer. »
Et oui, il était technicien en musique, comme elle en rêvait. « Un technicien, pour moi, c’est comme un médecin pour les instruments de musique, parce que c’est de la logique. C’est du courant, de la continuité. »
Elle se voit encore « cinq ou six ans » à sa boutique, fière de toutes les tempêtes traversées au fil des ans. Elle cite la pandémie, évidemment, mais aussi la crise d’Oka, avec Kahnawake à un jet de pierre de son commerce.
PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE
Diane Bibaud se voit encore « cinq ou six ans » à sa boutique. « La journée que je vais vendre, je ne passerai plus par ici. Je vais avoir tellement de peine ! Mais je ne suis pas rendue là. »
« Je vendais des harmonicas aux policiers, j’allais jouer du clavier à batterie, j’allais amuser le monde sur le bord du chemin de fer. Les gens venaient chercher des affaires pour jouer. Regarde le char de police, c’était sur le bord de la track. Je faisais chanter le monde. J’en ai fait, des conneries !
« Je me paye un salaire comme tout le monde. Mon fonds de pension, c’est la bâtisse. La journée que je vais vendre, je ne passerai plus par ici. Je vais avoir tellement de peine ! Mais je ne suis pas rendue là. Je vais marcher à quatre pattes avant de vendre. C’est comme le Centre Bell. »
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